14 – QUE SIGNIFIE EUCHARISTIE ?
Journaliste – Chers auditeurs de Radio Amérique Latine, voici face à face l’apôtre Paul et Marie Madeleine. Nous nous attendons à ce que le thème d’aujourd’hui provoque des débats houleux, comme tous les débats précédents. Bienvenue, Marie Madeleine, prête ?
Marie – Oui, Jean-Louis, je suis entraînée assez pour dire à don Pablo qu’il a été pas mal têtu, il en est même tombé de cheval… mais il est toujours aussi fanatique, c’est lui-même qui le dit.
Journaliste – Bienvenue, apôtre Paul.
Paul – Là-dessus, elle a raison. Je suis un fanatique du Christ ; ma vie, c’est le Christ.
Journaliste – Commençons alors la question du jour. Nous avons, comme d’habitude, une liaison avec notre reporter Elena Martinez, qui se trouve dans un quartier de la ville d’Asunción au Paraguay… Prête, Elena ?
Elena – Oui, Jean-Louis. Aujourd’hui, c’est la communauté du quartier Ñu Guazú, qui est à l’écoute. Elle vient de célébrer l’Eucharistie du dimanche et a hâte de savoir ce que vont dire les invités.
Journaliste – C’est justement le thème d’aujourd’hui. Il y a des mots écrits par vous, Paul, qu’on répète tous les jours, des milliers, des millions de fois, encore et encore durant des siècles. On les trouve dans la première lettre que vous avez écrite aux chrétiens de Corinthe. Ces mots relatent… de manière sacrée… ce qu’a dit Jésus-Christ à la dernière Cène.
Marie – Mais don Pablo n’était pas là, ce soir-là… Comment a-t-il pu les connaître ?
Paul – J’ai écrit ce que j’ai reçu du Seigneur.
Marie – Ce que vous avez reçu ? Et peut-on savoir de qui vous les avez reçus ?
Paul – Du Seigneur lui-même, j’ai reçu ces paroles que j’ai transmises.
Marie – Don Pablo, ce soir-là…
Paul – Ce soir-là, la nuit où le Christ allait être livré, il a pris du pain, l’a partagé et a dit : Ceci est mon corps…
Marie – Arrêtez, arrêtez, don Pablo, de quelle besace sortez-vous tout ça ?
Paul – Je vous ai dit que j’ai reçu cela du Seigneur.
Marie – Vous avez reçu cela en rêve, comme Jacob qui a vu cette fameuse échelle ?
Paul – Laissez-moi terminer, enfin… Après le pain, le Seigneur a pris la coupe de vin et a dit : Ceci est le sang de la nouvelle alliance. Faites ceci en mémoire de moi. Voilà les paroles de Jésus-Christ. Des paroles saintes. C’est pourquoi j’ai prévenu dans ma lettre : Celui qui mange le pain ou boit le sang de façon indigne pèche contre le corps et le sang du Seigneur.
Marie – Têtu, ce n’est rien de le dire ! Vous êtes totalement aveuglé !… Manger le corps de Jésus et boire son sang ?… Vous dites cette folie quand, moi, je dis ce que nous avons tous vu et entendu ce soir-là. Je m’en souviens de manière très claire. J’étais en train de préparer les herbes amères du repas du soir avec sa mère Marie et Marthe, la fille de Béthanie. Nous, les femmes, nous étions en train de pétrir la pâte pour les pains sans levain, et nous cuisinions l’agneau pour célébrer cette Pâque. Moi, j’étais là cette nuit-là… Je ne sais pas où vous étiez !
Paul – Ecoutez-moi bien, Marie Madeleine, chacun sa mission : vous, vous avez préparé ce que le Seigneur a mangé. D’accord. Moi, j’ai écrit ce qui m’a été transmis par le Seigneur. Et, qu’est-ce que ces saintes paroles ont à voir avec l’agneau rôti, hein ?
Marie – Comment, qu’est-ce que ça a à voir ? Jésus a mangé l’agneau que je lui ai préparé mais il n’a rien dit de ce que vous dites qu’il a dit !
Journaliste – J’interromps le débat pour un nécessaire éclaircissement culturel. Manger de la chair humaine est… je ne sais pas comment vous dire… une habitude barbare, digne des cannibales… C’est cela que Jésus a enseigné ?
Paul – Nous sommes, monsieur le journaliste, devant le plus grand mystère, peut-être le plus grand de tous. Ce soir-là, le Seigneur savait qu’il était arrivé à la plénitude des temps, que son corps serait donné en sacrifice propitiatoire pour nos péchés, il savait, lui, que son sang scellerait la nouvelle alliance… Il voulait qu’à jamais et en mémoire de lui, nous mangions son corps et buvions son sang…
Marie – Allez, tournez manège ! Cette nuit-là, Jésus était très inquiet. Judas était bizarre, tous étaient nerveux, l’esclandre du Temple avait eu lieu, où Jésus avait sorti son fouet contre les échangeurs… Nous sentions tous qu’il y avait danger. Cette nuit-là ce que Jésus nous a dit c’est que nous devions faire une alliance, que si lui venait à manquer, s’il lui arrivait quelque chose, nous devrions continuer la lutte pour le Royaume de Dieu et rester bien unis… Je l’entends encore…
Jésus – Les épis étaient dispersés sur la colline et les flancs des montagnes, ils se sont alors unis pour ne faire qu’une seule masse. Nous devons être unis, de la même façon, comme ces grains de blé… Durant des mois, nous avons annoncé la bonne nouvelle que Dieu est à nos côtés, que Dieu nous a choisis, nous, les pauvres de ce monde, pour nous donner son Royaume, à nous qui avons pétri ce pain dans la sueur et les larmes. Durant des mois, nous avons lutté pour que les choses changent, pour que le pain soit distribué à tous. Il se peut que ce soit la dernière fois que nous mangions ensemble… C’est bien, peu importe. Je mets mon destin entre les mains de Dieu et je remets ma vie dans ce pain ! Souvenez-vous-en lorsque vous vous réunirez pour le partager. Quand vous le ferez, je serai toujours avec vous.
Marie – Nous avons partagé le pain et la coupe de vin est passée de mains en mains pour trinquer tous ensemble au Royaume de Dieu… Nous avons bu le vin, don Pablo, du vin !… Vous êtes juif, n’est-ce pas ? Ne savez-vous pas qu’il interdit de boire le sang des animaux ? Encore moins celui d’une personne ! Comment pouvez-vous écrire des choses aussi horribles ! Et vous dites qu’on vous l’a transmis !
Paul – Ecoutez, pas de sang, pas de rédemption… Par lui, et par le sang qu’il a versé sur nous, nous avons été rachetés et nous avons reçu le pardon de nos péchés.
Journaliste – Nous avons un appel… Allez-y, mon ami…
Nivio – Je m’appelle Nivio López, expert en cultures du monde antique. Je veux répondre à la question que posait Marie Madeleine : Comment se fait-il que Paul ait pu dire que Jésus voulait qu’on mange sa chair et qu’on boive son sang ? Sûrement une influence des religions mystériques très populaires à cette époque. Ces religions avaient des rites sanglants et Paul les a connus lors de ses voyages.
Journaliste – Quel type de rites ?
Nivio – Par exemple, dans la religion de Mitra et dans celle d’autres dieux, la cérémonie d’union à la divinité, on mangeait la chair et on buvait le sang d’un animal sacrifié pour vivre cela comme un mystère du salut.
Journaliste – Nous avons un autre appel… Allô ?
Un homme – Je me fiche de ce que puisse dire cet expert ou qui que ce soit. Les paroles du Christ à la dernière Cène, telles que Paul les a écrites, ont été copiées telles quelles dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc… Pourquoi les auraient-ils répétées, hein ? Pourquoi ? Parce qu’elles sont authentiques, ce sont celles que Jésus-Christ a prononcées cette nuit-là ! Et Jean, dans son évangile, y revient et redit la même chose : si nous ne mangeons pas sa chair et ne buvons pas son sang, nous n’aurons pas la vie éternelle.
Journaliste – Merci beaucoup, cher auditeur.
Marie – Ne le remerciez pas, ce monsieur-là, non plus, n’était pas là, il ne sait pas non plus… Jésus n’a jamais dit ça !
Journaliste – Du calme, Marie Madeleine, c’est vous qui êtes agitée à présent… Nous avons un autre appel, allô ?
Castillo – Je suis José Maria Castillo… Merci de me donner à nouveau cette occasion…
Journaliste – Bienvenue, Castillo. Vous commenciez à nous manquer…
Paul – Il vous manque peut-être à vous, mais moi, je n’ai aucune sympathie pour lui…
Castillo – Je veux rappeler aux auditeurs le point le plus important pour comprendre la contradiction que nous constatons entre ce que Paul a écrit et ce qu’a vu Marie Madeleine qui était présente…
Paul – Quelle contradiction ? Peut-on le savoir, vous qui êtes si intelligent ?
Castillo – Les premiers écrits à être diffusés n’ont pas été les évangiles mais vos lettres, Paul. Durant trente, peut-être quarante ans, le christianisme s’est répandu dans l’empire romain sans avoir aucune idée de Jésus, ni de sa vie, ni de son histoire…
Marie – C’est donc vous qui avez commencé à écrire avant tous les autres ?
Paul – Grâce soit rendue à mon Seigneur qui m’a appelé pour la mission d’évangéliser les païens.
Castillo – Oui, mais les premières communautés ont appris leurs croyances non pas par les enseignements de Jésus dans les évangiles, mais par les enseignements que vous, Paul, imposiez par vos lettres et vos visites.
Paul – Et où est le problème, “super théologien” Castillo ?
Castillo – Un fait réellement surprenant : L’église de Jésus a commencé à vivre et à s’organiser sans connaître Jésus.
Journaliste – Un autre appel… Les lignes sont au bord de la rupture… Allô ?
Une Cubaine – Ecoute, mon garçon, je ne suis pas théologienne ni rien de tout ça… Mais j’ai mon Nouveau Testament. Je l’ouvre et je peux lire les quatre évangiles à la suite, d’accord ? Puis viennent ensuite les lettres de Paul. Alors, j’ai toujours pensé que Paul s’appuyait sur les évangiles. En fait, c’est l’inverse ?
Journaliste – C’est précisément ce qu’explique Castillo, madame.
La Cubaine – Alors, si je comprends bien, ce que Paul a écrit de la dernière Cène, il ne l’a pas sorti des évangiles, mais ce sont les évangiles qui ont pris ça de Paul, c’est cela ?
Journaliste – Il semble que oui…
La Cubaine – Alors, si je comprends bien, ces paroles magiques de la messe, ces paroles que les prêtres disent de façon si solennelle, c’est Paul qui les a inventées puisque Madeleine ne les a jamais entendues… En voilà, une affaire, mon garçon !
Journaliste – Je vous avais bien dit que cette émission allait être polémique… Voilà maintenant Elena Martinez qui demande à intervenir ; elle est avec la communauté de Ñu Guazú, à Asunción…
Elena – Oui, Jean-Louis, une dame de la communauté est très inquiète et elle brûle de poser une question à Marie Madeleine…
Journaliste – Allez-y, mais brièvement, car le temps nous manque et nous avons d’autres engagements…
Une vieille dame – Ecoutez, je veux simplement que Marie Madeleine nous dise franchement la vérité.
Marie – Quelle vérité attendez-vous de moi ?
La vieille dame – Je veux simplement qu’elle nous dise si elle croit ou non que le pain et le vin c’est Jésus vivant, ce Jésus-Christ qu’elle a tant aimé… Est-ce qu’il est présent, est-ce que c’est son corps et son sang, son âme, sa divinité ?
Marie – Pour ce qui est d’aimer, je l’ai beaucoup aimé, oui… Mais, il n’est pas là. Je ne crois pas ce qu’a écrit don Pablo.
La vieille dame – Que croyez-vous, alors, vous ?
Marie – Ce que je crois, c’est que Jésus est là où les gens se rassemblent en son nom pour partager… pour lutter… pour que les choses changent et que le Règne de Dieu arrive.
Paul – Oui, mais on ne peut pas en rester là, parce que…
Journaliste – Voilà l’apôtre Paul qui demande la parole pour s’opposer. Mais le temps qui nous était imparti est terminé. Vous pouvez nous retrouver sur le web et sur les réseaux sociaux : www.emisoraslatinas.net. Et souvenez-vous que qui se pose des questions réfléchit ; qui n’a que des réponses, obéit. C’était Jean-Louis qui était avec vous.