20 – FACE A FACE AVEC PAUL
Journaliste – Chers amis. Le dernier débat sur Radio Amérique Latine a été trop intense, trop polémique. L’apôtre Paul est sorti de nos studios très fâché. Nous n’avons pu le retenir. Quelques-uns des auditeurs ont appelé pour nous insulter, disant que nous étions en train d’insulter un saint. D’autres appuyaient, enthousiastes, l’audace de Marie Madeleine. Tant de messages pour ou contre ont presque fait exploser nos serveurs. Notre émission ne pouvait pas en rester là. Nous avons repris contact avec l’apôtre Paul et lui avons demandé, presque supplié de revenir assister à nos débats. Il a d’abord dit non. Puis, il a accepté mais à une condition. Que Marie Madeleine ne soit plus présente. Est-ce que j’ai présenté l’affaire correctement, apôtre Paul ?
Paul – Oui.
Journaliste – Nous avons donc programmé un face à face aujourd’hui avec Paul, seul. Ensuite nous ferons la même chose avec Marie Madeleine, séparément aussi. Bienvenue, Paul. Notre émission et nos auditeurs vous remercient d’avoir accepté notre invitation.
Paul – Si j’ai accepté, c’est afin que ceux qui ont entendu ces dialogues ou, appelez cela comme vous voudrez, ne se fient pas aux mensonges qui ont été dits.
Journaliste – Ceux qui ont été dits par Marie Madeleine ?
Paul – Oui. Je ne nie pas le soulagement que j’ai de pouvoir parler sans la présence de cette femme.
Journaliste – Pourquoi vous dérange-elle, Paul ?
Paul – Je vais être franc. Elle avait beaucoup d’autorité et défiait la mienne. Je n’étais pas habitué à ça.
Journaliste – Dans aucune des églises que vous avez fondées, on ne vous posait de questions, Paul ?
Paul – Si, et très souvent. Ceux de Corinthe surtout… mais jamais une femme. Ni là ni dans aucune autre église, une femme ne s’opposait à moi.
Journaliste – En dehors de votre autorité… reconnaissez-vous des vérités dans ce qu’a pu dire Marie Madeleine ?
Paul – Des demi-vérités. Et les demi-vérités finissent par faire de vrais mensonges. Cette femme est pleine de confusion. Et elle trouble les autres.
Journaliste – Mais de tout ce qu’a dit Marie Madeleine, que récupéreriez-vous ? Croyez-vous qu’il n’y a rien de fondé ?
Paul – J’ai entendu de sa bouche beaucoup de bêtises… même si je reconnais que cette femme a un avantage sur moi.
Journaliste – Lequel, apôtre Paul ?
Paul – Elle a connu Jésus, et moi pas.
Journaliste – Vous auriez peut-être dû parler avec elle lors de ce voyage que vous avez fait à Jérusalem ?
Paul – Peut-être… Mais, c’est trop tard.
Journaliste – Nous avons un appel… Allô ? Qui est à l’appareil ?
Un jeune – Allô… Je m’appelle Carlos, je suis étudiant… Ecoutez, Paul, je suis catholique, et j’ai beaucoup d’affection pour vous, car, lorsque je me suis marié, le prêtre nous a lu dans l’église un de vos poèmes, un hymne à l’amour.
Paul – Je l’ai écrit en pensant au Christ.
Le jeune – Eh bien, je l’ai écouté en pensant à Yolande. Et je vous dirai que c’est pour ça que j’ai suivi cette émission, tous ces débats entre vous et Marie Madeleine.
Journaliste – Et, ami auditeur, êtes-vous arrivé à quelques conclusions ?
Le jeune – Bon, je n’arrive pas à comprendre comment une personne comme Paul qui a écrit un si beau poème, puisse nous sortir ensuite la rengaine que Dieu a fait tuer son fils sur une croix pour sauver d’une offense et laver les péchés que ses autres enfants ont commis.
Paul – Bon, ce n’est pas exactement ce que j’ai écrit…
Le jeune – Excusez-moi, Paul, nous vivons au 21ième siècle. Et ces idées qui sont les vôtres ne passent plus aujourd’hui. Voyez-vous, il y a un proverbe qui dit que l’on voit tout à la couleur des lunettes que l’on porte.
Paul – Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire, jeune homme…
Le jeune – Je crois que vous, Paul, vous avez regardé Jésus à travers de grosses lunettes opaques, avec tous les préjugés de votre religion juive. Marie, non. Marie était une femme ouverte, libre. Elle l’a vu avec son cœur. Et on ne voit bien qu’avec le cœur, Paul, comme a dit un autre poète.
Paul – Je ne suis pas venu ici pour recevoir des reproches…
Journaliste – Ne le prenez pas mal, apôtre Paul… Rappelez-vous que, vous aussi, vous aimiez la poésie. J’ai cherché et trouvé un discours que vous avez fait à Athènes où vous citiez les poètes grecs…
Paul – Ah oui… Mais c’était une ruse de prédicateur.
Journaliste – Expliquez-nous…
Paul – Cette fois-là, en arrivant à Athènes, je me demandais : Comment convaincre les gens de cette ville de croire en Jésus-Christ ? Et je me suis souvenu d’un poète grec qui disait que tous les humains étaient de lignée divine… J’y ai fait allusion. Comprenez-vous, entrer avec leurs idées pour qu’ils repartent avec les nôtres.
Journaliste – C’est une bonne méthode…
Paul – N’est-ce pas ? Je me suis fait grec avec les Grecs pour gagner les Grecs. Et juif avec les Juifs pour gagner les Juifs.
Journaliste – Nous avons un autre appel… Allô ? Qui nous appelle et d’où ?
Une femme – Je suis une femme qui croit, peu importe d’où. Puis-je poser une question à l’apôtre ?
Journaliste – Etes-vous ouvert aux questions, Paul ?
Paul – Evidemment. Du moment que ce n’est pas une autre Madeleine…
La femme – Bon, Paul, j’ai beaucoup de respect pour vous parce que vous avez voulu porter l’évangile jusqu’aux confins de la terre. Vous avez été un grand missionnaire, Paul. Alors, écoutez-moi. Vous dites que vous vous êtes fait grec avec les Grecs, est-ce bien cela ?
Paul – C’est cela.
La femme – Et pourquoi ne pas se faire jeune avec les jeunes ?
Paul – Pourriez-vous expliquer autrement, madame ?
La femme – Excusez-moi, Paul, je suis chrétienne, chrétienne évangélique. Vous avez écouté ce garçon qui vient de parler. Il a raison. Vos idées ont fait beaucoup de mal, elles ont introduit la peur et la culpabilité, surtout chez nous, les femmes, parce qu’on dit qu’Eve est toujours celle qui a le mauvais rôle dans les films…
Paul – Laissons les films tranquilles, ce sont les mystères de Dieu.
La femme – Non, non, ne me parlez pas de mystères. Excusez-moi, monsieur le journaliste, puis-je poursuivre avec Paul ?
Journaliste – Madame, nos micros sont à vous. Si mon interviewé est d’accord…
Paul – Continuez, je vous écoute attentivement.
La femme – Paul, mon frère, vous avez écrit tant de lettres… il n’en manque qu’une. Ecrivez-là.
Paul – Qui dirait quoi ?
La femme – Ce que vous avez dit à Athènes. Ça oui, ça toucherait les gens d’aujourd’hui, Paul…
Paul – Citoyens d’Athènes, en parcourant votre ville et vos sanctuaires, j’ai trouvé un autel où étaient inscrits ces mots : “Au dieu inconnu”. Vous qui adorez celui que vous ne connaissez pas, je viens vous l’annoncer. Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu’il contient, qui donne la vie et le souffle à toute chose, ne vit pas dans des sanctuaires faits de mains d’hommes…
Les Athéniens – Il parle bien cet étranger !
Paul – Ecoutez, écoutez. Le Dieu que je vous annonce est sorti du même tronc que toute la race humaine et a fixé à chaque peuple un lieu et un instant de l’histoire sachant qu’on le chercherait tous à tâtons… Dieu n’est pas loin de chacun de nous parce qu’en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être.
Les Athéniens – Continuez, continuez !
Paul – Bon, j’ai prêché cela à Athènes, à l’Aréopage… Ils m’ont écouté attentivement et beaucoup ont cru en Jésus-Christ…
La femme – Voilà un message pour notre temps, Paul. Parce que vous parlez d’un Dieu qui n’habite aucune église, aucun temple de pierre, aucune religion… Un Dieu qui n’a pas de peuple choisi parce que tous les peuples ont leur place. Un Dieu dont les portes sont ouvertes à tous et à toutes. Voilà le Dieu de Jésus, oui.
Paul – Cette femme me fait réfléchir…
La femme – Ecrivez cette lettre, Paul, pour qu’on la lise aux jeunes, pour que Marie Madeleine la lise. Cela lui plaira. Merci beaucoup et… pardon si j’ai été un peu longue.
Journaliste – Vous allez écrire cette lettre, Paul ? Vous allez la montrer à Marie Madeleine ?
Paul – Peut-être…
Journaliste – Je me suis renseigné sur votre biographie, apôtre Paul et j’avoue mon étonnement. On dit que vous avez parcouru durant vos trois voyages missionnaires plus de quinze mille kilomètres, la plupart du temps à pied. Et le quatrième voyage à Rome, en tant que prisonnier. Vous avez été un pèlerin ambitieux, un voyageur infatigable, digne d’un record du Guiness.
Paul – Oui, j’ai pris tous les risques pour le Christ. Je me suis souvent trouvé en danger de mort. J’ai subi des naufrages, j’ai été attaqué par des bandits de grands chemins, j’ai été incarcéré dans je ne sais combien de prisons… J’ai passé des nuits sans dormir, des jours sans manger, j’ai souffert du froid, j’ai été sans abri… Dieu sait que je ne mens pas. Un serpent m’a même mordu une fois, mais je n’ai pas eu peur, le Seigneur m’a délivré de son venin…
Journaliste – C’est peut-être le serpent qui a eu peur de votre langue… Vous connaissez ce proverbe qui dit que le serpent ou la langue sont à craindre également ?
Paul – Vous avez de l’esprit, monsieur le journaliste…
Journaliste – Pour la première fois, je vous vois sourire, apôtre Paul…
Paul – Et pourquoi avez-vous remarqué ça ?
Journaliste – Parce que, nous, les journalistes, on cherche toujours le côté humain des personnes et on est heureux de le trouver. Et vous, on l’a vu, vous avez la réputation d’être sévère… très sévère.
Paul – Il y a un autre proverbe qui dit : Les apparences sont trompeuses.
Journaliste – Je réitère ma question, apôtre Paul, allez-vous écrire cette lettre que vous a demandé la dame ? Allez-vous la montrer à Marie Madeleine ?
Paul – Peut-être…
Journaliste – Comme journaliste, j’insiste pour avoir la primeur. Vous avez dit tout à l’heure qu’il était trop tard… Mais on dit, pour continuer avec les proverbes, qu’il n’est jamais trop tard… si c’est une bonne lettre. Vous allez l’écrire cette lettre ?
Paul – Je vais l’écrire… Oui, je vais l’écrire.
Journaliste – C’est sur cette première journalistique que nous arrêtons notre émission, en attendant cette dernière lettre de l’apôtre Paul. Sur le web, vous retrouverez tous les débats précédents : www.emisoraslatinas.net. C’était Jean-Louis.