10 – DANS LA PRISON DE MACHERONTE

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La voix du prophète Jean, qui réclamait justice et qui annonçait l’arrivée d’un libérateur d’Israël, était de plus en plus ferme et de plus en plus pressante. Ceux qui allaient l’écouter sentait un prophète pressé, comme s’il savait que ses jours étaient comptés.

Le Baptiste – Ouvrez bien les yeux ! Ayez les mains prêtes afin que lorsque viendra celui qui doit venir, vous le reconnaissiez et aller à sa rencontre ! Personne ne doit se dire : J’ai été baptisé, je suis purifié, ça suffit. Etre baptisé n’est pas la fin du voyage, c’est le début ! Quand le Messie viendra, la libération d’Israël aura commencé. Nous devrons tous le suivre et travailler avec lui ! Quand il viendra…

Une femme – Mais, bon sang, j’entends déjà les trompettes du Messie ! Vous n’entendez pas, les amis, ce bruit ?

Un homme – Arrêtez vos histoires, madame, et écoutez ce que dit le prophète.

La femme – Ecoutez, compatriote, je ne suis quand même pas sourde ! Je vous dis que la caravane du Messie approche !

Une fille – Regardez là-bas ! C’est le Messie qui vient !

Tous – Le Messie ! Prophète Jean, voilà le Messie qui vient !

Sur le chemin qui descendait de Jéricho, venait une longue caravane de chameaux, bien décorés et luxueux. Un groupe d’esclaves ouvraient la marche ; ils embouchaient des trompettes et étaient vêtus de soie. Mais non, ce n’était pas le Messie qui s’approchait. C’était le roi Hérode et sa suite qui déménageaient vers le palais de Machéronte, sur le bord du Jourdain, juste au près de la Mer Morte. Pour arriver là, ils devaient passer près de Béthabara.

Un homme – Madame, si c’est lui le Libérateur que nous attendons, on peut bien mourir. C’est Hérode et ses gens !

Une femme – Regarde comme le carrosse se balance ! Il est tellement gros !

Un vieux – Qu’il en crève !

Hérode Antipas était le gouverneur de Galilée, le dernier des fils d’Hérode le Grand. Son père était détesté du peuple à cause des impôts terribles qu’il nous imposait. Et comme toujours, tel père tel fils, cet Hérode-là, le fils, était également un homme sans scrupule, un homme injuste et rempli de vices. Il vivait aux dépens de Dieu et des souffrances de son peuple.

Un homme – Eh ! Prophète Jean, voilà le roi Hérode qui vient !

Une femme – Je ne pense pas que ce type-là ose s’approcher !

Un homme – Laissez-le, madame. Il va peut-être se faire baptiser et il est tellement gros qu’il va s’enfoncer dans les eaux du fleuve.

Une vieille – On peut aussi l’enfoncer à nous tous !

Le prophète Jean était resté étrangement muet en regardant passer la caravane. Mais le carrosse dans lequel se trouvait Hérode ne s’approcha pas. Hérode était un homme très superstitieux et il avait peur de ce prophète aux longs cheveux et aux paroles tranchantes comme des épées. Il en avait tellement entendu parler. La caravane poursuivit son chemin jusqu’au palais de Machéronte. Mais quand tous les chemins disparaissaient au loin, Jean sortit de son silence et, foudroyant comme l’éclair, il se tourna vers ceux qui remplissaient les bords du fleuve.

Le Baptiste – Sa puanteur arrive jusqu’à nous ! Il sent le pourri ! Le poisson commence toujours à pourrir par la tête. Les injustices de ce pays sont trop grandes. Elles empestent ! Et ce sont les têtes qui empestent ! Hérode empeste ! Son royaume est corrompu. Il est construit sur le sang des innocents et sur la sueur des pauvres. Mais son trône est branlant ! Il est dévoré par les vers ! Comme moi je peux rompre ce vieux bâton, ainsi Dieu démolira le trône du roi Hérode ! Il tombera, il tombera le trône d’Hérode ! Il s’écroulera au milieu des cris de joie quand arrivera le Libérateur d’Israël ! Vous le verrez de vos propres yeux ! Vous le verrez et vous vous réjouirez !

Jean continua à parler au peuple de tous les crimes et les abus de ce roi injuste. Mais, il y avait là, parmi les gens, des partisans d’Hérode, des espions à lui. Et il arriva ce qui devait arriver…

Hérode – C’est donc ce qu’il a dit de moi ? Quel dommage, j’aurais tant aimé l’entendre ! Peu importe comment, j’adore qu’on parle de moi !

Un serviteur – Il a dit aussi… pss… pss…

Hérode – Comment ? Quel insolent !

Un serviteur – Et que vous ne devriez pas vivre avec v…. pss… pss…

Hérode – Mais, comment as-t-il pu oser dire ça, ce chevelu ? Et devant tout le monde en plus !

Un serviteur – La reine est dans une colère de tous les diables !

Hérode – Cet homme est un conspirateur, il conspire contre mon gouvernement. C’est très dangereux de le laisser en liberté !

Un serviteur – On dit que c’est un grand prophète, un envoyé du Dieu Tout Puissant !

Hérode – Bah ! Bêtises que tout cela ! Les prophètes ont disparu il y a bien longtemps.

Un serviteur – Et si le peuple qui l’entoure résiste ?

Hérode – Le peuple ! Je me moque du peuple ! Le peuple aboie mais ne mord pas. Que la troupe aille avec ses armes, au cas où.

Un serviteur – Quand doivent-ils partir, ô roi Hérode ?

Hérode – Tout de suite. Le plus vite sera le mieux. Je suis impatient de voir de près ce fameux prophète du désert.

Ainsi fut fait. Hérode fit emprisonner Jean et le conduisit attaché jusque dans la prison qu’il y avait dans le palais de Machéronte. Les gens qui s’entassaient sur les bords du fleuve virent comment on l’avait emmené et s’essayèrent de s’y opposer mais ne purent rien faire contre les soldats d’Hérode. Les femmes pleuraient chaudement et se lamentaient : une fois de plus, les maîtres du pouvoir avaient fait taire le cri des prophètes.

Peu après, les bords du Jourdain redevinrent déserts et silencieux comme avant que la voix puissante de Jean ne s’y fasse entendre pour redonner vie et espoir. Hérode demanda d’enfermer Jeans dans les sous-sols du palais de Machéronte. Là, dans ces cachots étroits et sombres, beaucoup d’autres prisonniers se consumaient après d’interminables jugements.

Hérode – J’avais grande envie de voir ta crinière, Jean, fils de Zacharie.

Le Baptiste – Moi aussi, j’avais envie de te voir, Hérode Antipas, fils de cet épouvantable Hérode le Grand.

Hérode – Tu vois, les hasards de la vie. Jusqu’à hier tu étais le Prophète… et maintenant tu n’es plus qu’un rat pris dans la souricière. Qu’est-ce que tu as dit de moi, hein ? Réponds donc !

Le Baptiste – J’ai dit ce que tout le monde sait. Que tu es un roi injuste et que Dieu te fera tomber de ton trône. Et j’ai dit aussi la dernière chose que tu as faite : tu vis avec ta belle-sœur, la femme de ton frère Philippe.

Hérode – Hérodiade est ma femme !

Le Baptiste – Hérodiade, une misérable comme toi, est la femme de ton frère Philippe. Tu lui as volé sa femme. Rend-la-lui

Hérode – Et toi, comment oses-tu me parler ainsi ?

Le Baptiste – Comment oses-tu, toi juger les lois de Dieu ?

Le roi Hérode commença à se ronger les ongles. Il était nerveux. Les yeux de feu du prophète Jean lui faisaient peur.

Hérode – Jean… Prophète Jean… Qui es-tu ? Qui t’a enseigné à parler ainsi aux gens ? Es-tu… es-tu le Messie ? Parle ! Ne reste pas muet !

Le Baptiste – Je ne suis pas le Messie. J’annonce le Libérateur d’Israël. Il est déjà là. Et quand il viendra, il arrachera ta couronne et te mettra à un devant le peuple et te mettra devant les yeux toutes tes injustices et tous tes vices.

Hérode – Et où est ce Messie ? Qui est ce Libérateur d’Israël ? Je veux bien le connaître !

Le Baptiste – Tu ne le verras pas. Tes yeux ne sont pas assez purs pour le voir.

Hérode – Je te ferai arracher la langue et je la jetterai aux chiens !

Le Baptiste – C’est toi qui as peur, Hérode. Les abus que tu as commis contre ce peuple pèsent sur tes épaules. Et tu as peur. Tu sais que Dieu te demandera des comptes sur tous tes crimes.

Hérode – Je n’ai pas peur ! Je n’ai pas peur ! De qui vais-je avoir peur ? De toi, un charlatan ? Un menteur ?

Le Baptiste – En vérité, tu as peur.

Hérode – Non,non. Mes soldats sont là pour me défendre ! J’ai des armées, j’ai des palais, j’ai le pouvoir ! Maintenant j’ai aussi un prophète ! Ah ! Ah ! Tu ne dis rien ?

Le Baptiste – Je t’ai tout dit. Rends sa femme à ton frère Philippe. Et ensuite nous parlerons.

Hérode – Hérodiade est ma femme ! J’aime Hérodiade ! J’aime Hérodiade ! Elle m’appartient !

Le Baptiste – Non. Tu n’as pas de droit de vivre avec la femme de ton frère !

Hérode – Toi, tu n’as pas le droit d’élever la voix sur moi ! On aura tout vu… mais, devant qui crois-tu être ? Je suis le roi de Galilée et tu dois me respecter !

Le Baptiste – Te respecter ? Toi ? A mon tour de rire. Un homme rempli de tous les vices possibles, qui est monté sur le trône à force d’intrigues et de corruption et qui se maintient au gouvernement au-dessus d’une mare de sang… Et c’est toi qui me parle de respect ?

Hérode – Mais, c’est moi l’autorité ! Tu dois m’obéir !

Le Baptiste – L’unique autorité à laquelle j’obéis se trouve au ciel. Tu es né d’une femme comme tout le monde. Tu es né, tout nu comme tout le monde. Et les mêmes vers que tout le monde te mangeront.

Hérode – Tais-toi, ça suffit !

Le Baptiste – Mon unique roi est le roi du ciel. A lui seul j’obéis !

Hérode – Jean… Tu ne préfèrerais pas t’en aller d’ici et recommencer à parler aux gens ? Nous pouvons arriver à un accord. Ne veux-tu pas retourner au Jourdain continuer à faire le prophète ? Tu sais que j’en ai le pouvoir ? Si je veux, je peux te remettre en liberté.

Le Baptiste – Non, Hérode. Tu te trompes. Je ne suis pas en ton pouvoir. Je suis dans les mains de Dieu. Les tiennes sont vides… vides et pleines de sang. Elles seront vite attachées. Ton pouvoir et terminé, Hérode. Le Libérateur d’Israël vient et c’en est fini de ton pouvoir.

Pour se consoler des paroles rudes du prophète Jean, le roi Hérode alla se réfugier dans les bras aimants d’Hérodiade…

Hérode – Sers-moi une autre coupe de vin, Hérodiade…

Hérodiade – Tu bois beaucoup aujourd’hui. Qu’est-ce qui t’arrive ?

Hérode – Rien, rien. Que veux-tu qu’il m’arrive ?

Hérodiade – Je te connais bien. Tu ne peux rien me cacher. Tu es perturbé par ce “prophète” Jean que tu as fait mettre au cachot.

Hérode – Ne me parle pas de ce prophète ! Tu n’y connais rien. Les prophètes sont sacrés.

Hérodiade – Sacrés ! Laisse-moi rire ! Ce ne sont que des brâillards, il suffit de leur couper le coup et on n’en parle plus ! Pourquoi ne le fais-tu pas, pourquoi ne coupes-tu pas le cou de ce Jean ?

Hérode – Tais-toi.

Hérodiade – Si tu m’aimais, c’est ce que tu ferais… Mais, m’aimes-tu vraiment ?… Je ne te plais plus ?

Hérode – Tu me plais beaucoup, Hérodiade… tu me plais beaucoup…. Hummm !

Hérodiade – Est-ce que tu en as peur ? N’aie pas peur de lui. Le jour où tu couperas le cou de cet homme-là, tu redeviendras comme avant. Un roi puissant et fort n’a pas d’ennemis parce qu’il les fait disparaître, un point c’est tout.

Le roi Hérode voulait tuer Jean, faire disparaître cette voix gênante. Mais il avait peur des gens parce que tous en Israël savaient que Jean était un prophète qui parlait au nom de Dieu.

Matthieu 14,1-2; Marc 6,14-20; Luc 9,7-9.

Commentaires :

1. Les évangiles parlent de deux Hérode : Hérode le Grand et son fils, Hérode Antipas. Le premier, allié des Romains, gouverna le pays de façon tyrannique, trente-sept ans avant la naissance de Jésus et c’est à lui qu’on attribue le massacre des innocents. A sa mort, quatre ans après la naissance de Jésus, le pays fut divisé entre ses trois fils. Hérode Antipas, le plus jeune, contemporain de Jean-Baptiste et de Jésus, fut placé par Rome comme gouverneur de Galilée et de la zone du Pérée, sur le bord oriental du Jourdain. Le titre que Rome lui accorda est celui qu’on donnait aux gouvernants des petits territoires : tétrarque. Mais le peuple l’appelait souvent “roi” Hérode. Il était marié à une princesse arabe mais malgré tout, Hérode Antipas devint l’amant d’Hérodiade, épouse de son frère Philippe. Ces relations finirent par provoquer une guerre fratricide.

2. Les deux faits historiques qu’on a d’Hérode Antipas le caractérisent comme un dilapidateur, cruel envers tous ses opposants, et superstitieux. Il collaborait étroitement avec les Romains, maîtres du pays. Il était maintenu sur son trône en échange d’une forte somme d’argent. Au nom de Rome, Hérode Antipas percevait les impôts sur le territoire de Galilée et du Pérée. Pour les fêtes, il suivait les règles religieuses juives et retrouvait ses palais de Jérusalem, afin de pouvoir aller au temple.

3. Machéronte fut une des quelques forteresses que construisit Hérode le Grand pour contrôler ses sujets et défendre son royaume des arabes nabatéens qui habitaient à la frontière de son territoire. Machéronte fut construit sur le bord oriental de la mer Morte, dans la région du Pérée. Le roi la fortifia grandement et quelques vingt ans avant la naissance de Jésus, il l’enrichit d’un magnifique palais. Son fils Hérode Antipas célébrait là de grandes fêtes. Au cours de l’année 70, la forteresse fut détruite par l’armée romaine. On n’y retrouve aujourd’hui que des ruines.