72 – PAR DIFFERENTS CHEMINS

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Près de la Grand-Place de Capharnaüm, dans le quartier des pêcheurs, il y a le puits qu’on appelle “puits des murmures”. Tous les matins, au lever du soleil à l’horizon, les femmes s’y réunissent pour puiser de l’eau.

Une voisine – Mais, mon amie, avez-vous vu la tête que faisait cette fille ? Elle a des yeux, grand Dieu ! Mais elle n’a rien dit. Pas un mot tout le temps qu’elle a été ici. Elle qui était si bavarde les autres fois !

Une vieille – Mal d’amour, ma fille, mal d’amour… Cette gamine est bien jeune pour avoir ce genre de maladie. Ah ! Elle est amoureuse. Vous avez entendu comme elle soufflait en partant ?

Salomé – Bonjour à toutes ! Comment allez-vous ce matin, mes amies ?

Une vieille – Prêtes à travailler, doña Salomé. Tant qu’on a la santé…

Une voisine – Mais disons-le, on était en train de parler de la petite Rachel.

Salomé – Et qu’est-ce qu’elle a, Rachel ?

La vieille – Salomé ? Tu n’as pas vu la tête qu’elle a depuis quelque temps ? On dirait qu’elle n’a plus une goutte de sang dans le corps et qu’elle passe son temps à gober les mouches.

La voisine – Tu lui dis quelque chose, elle ne te regarde même pas. Ça lui rentre par une oreille et ça sort par l’autre.

Salomé – Elle a peut-être ses règles.

La voisine – Tu parles, ses règles ! Elle est amoureuse. Cette gamine est amoureuse. Et vous devriez le savoir, ça vous regarde.

Salomé – Mais, qu’est-ce que tu racontes. En quoi me regardent les amours de cette gamine ?

La voisine – Doña Salomé, mais, vous n’êtes pas au courant ? Rachel en pince pour Jésus, le gars de Nazareth. Ne me dites pas que vous ne vous en êtes pas rendu compte. Il faut voir comment elle le regarde quand il parle !

La vieille – Ne me dites pas non. Tous les matins, cette semaine, la voilà arrivée chez vous, alors ?… Il doit bien y avoir quelque chose, non ?

Salomé – Bon, la gamine avait besoin d’un peu de sel et elle est venue m’en demander.

La vieille – Et le lendemain, c’est une tomate qu’elle voulait ?

La voisine – Et l’autre jour, un peu de farine.

Salomé – Tout juste, oui.

La voisine – Allons, Salomé, où avez-vous les yeux ? Vous ne vous rendez pas compte qu’elle va voir Jésus, elle pense qu’elle va le trouver là, non ?

Une autre voisine – Elle est souvent aussi à l’embarcadère, elle n’arrête pas d’aller et venir comme une imbécile, pour voir s’il n’est pas avec vos fils. Elle est tombée amoureuse de lui. Elle ne peut plus le cacher.

Salomé – Mais, est-ce possible tout ce que vous me racontez ?

La voisine – Bien sûr que c’est possible. Vérifiez et vous verrez bien qu’on a raison. Vous nous raconterez après, hein ?

Deux heures après, alors que le soleil tapait fort, Rachel arriva une nouvelle fois chez Zébédée.

Rachel – Bonjour, doña Salomé !

Salomé – Bonjour. Ah ! C’est toi… Entre, entre. Que se passe-t-il ? Tu voulais quelque chose, ma fille ?

Rachel – Doña Salomé, j’ai besoin d’un peu d’huile.

Salomé – Quoi, tu n’en as plus ?

Rachel – Bon, il m’en reste encore un petit peu, mais je ne sais pas si j’en aurai assez pour demain. Vous savez, il vaut mieux prévenir que guérir.

Salomé – Bien sûr, bien sûr… Mais, entre, ne reste pas à la porte.

Rachel – Vous êtes… vous êtes toute seule ?

Salomé – Oui, ma fille, les enfants et le père Zébédée sont partis à la pêche, comme d’habitude.

Rachel – Ah, oui. Au travail, n’est-ce pas ?

Salomé – Il faut bien travailler pour gagner sa croûte, ma fille. Dieu l’a dit dès le début : tu gagneras ton pain à la sueur de ton front…

Rachel – Et… il n’y a personne d’autre alors ? Bon, je m’en vais…

Salomé – Mais, ma fille, ton huile ?

Rachel – Ah, oui ! Où avais-je la tête ?… J’ai tant à faire à la maison, j’oublie tout. Dix petits frères et sœurs, ça donne du travail.

Salomé – Mais, ne sois pas si pressée, ma fille. Tu n’as pas un moment pour t’asseoir ? On va parler. Comme ça, tu te reposeras un peu.

Rachel – Bon, mais…

Salomé – Il n’y a pas de mais… Assieds-toi là. Je vais m’asseoir, moi aussi, tiens. Ah ! Ma pauvre Rachel, comme j’aimerais avoir une fille de ton âge, tu pourrais parler avec elle. Mais, j’ai eu deux garçons, comme tu vois. Quand tu auras des enfants, ma fille, demande à Dieu d’avoir à la fois, des garçons et des filles. Les hommes pour gagner leur pain, mais nous, les filles, pour le pétrir.

Rachel – Oh ! D’ici que j’aie des enfants, doña Salomé… il peut y avoir de l’eau à courir sous les ponts.

Salomé – Non, ma fille, tu es en âge de te marier. Je suis sûre que tu y penses souvent, non ?

Rachel devint toute rouge, aussi rouge que le foulard qu’elle portait, et ne dit plus rien. Le cœur faisait des bonds dans sa poitrine.

Salomé – Ecoute, ma fille, je veux bien t’aider. Dis-moi tout. Tu n’as pas de mère et il faut bien que tu racontes ce que tu as sur le cœur.

Rachel – Doña Salomé… ah, doña Salomé !… ça fait un mois que je ne dors plus et…

Salomé – La nuit, quand tu ne dors pas, tu penses à lui. A Jésus ? Hein ?

Rachel – Comment… Comment le savez-vous ?

Salomé – Ah, ma fille, l’amour est comme une cloche ! Cela fait trop de bruit pour ne pas l’entendre.

Rachel – Et vous, doña Salomé, vous croyez que c’est mal ?

Salomé – Non, ma petite Rachel. Mal ? Pourquoi ? Tu es amoureuse. J’aimerais tant que ce garçon s’éprenne d’une femme et s’attache à elle une bonne fois pour toutes. Avoir une vie comme ce Brunet et être encore seul. Ce n’est pas bien, pour moi.

Rachel – Mais, vous croyez qu’il a pensé à moi ?

Salomé – Bon, ma fille, ce Jésus est un peu bizarre, et je ne saurais le dire. Mais, sois tranquille. Je vais t’aider. Je sais comment gratter la carapace de ce Brunet pour savoir ce qu’il pense. Cela fait déjà un bon moment qu’il vit chez nous et je finis par bien le connaître. Oui, laisse-moi faire…

Le jour même, Salomé en glissa un mot au père Zébédée…

Salomé – Dis-donc, mon vieux, il faut que tu en parles à Jésus. Il faut mettre les choses au clair.

Zébédée – Bon, d’accord, je vais lui en parler. Si tu dis que cette fille en vaut la peine…

Salomé – Rachel est une bonne fille, travailleuse, affectueuse. Et en plus elle est mignonne. J’ai l’impression qu’elle l’aime beaucoup. Que demander de plus pour ce Brunet ?

Zébédée – Ah, ma vieille, Jésus est ce qu’il est, on ne sait jamais. C’est bon, je vais lui en parler. D’homme à homme. On va bien voir pourquoi ce gredin ne se marie pas ! C’est une question que je me pose tous les matins quand je le vois partir sur la place pour travailler. Et quand il revient le soir, je me la repose, et puis… voilà ! Il est un peu bizarre, tout de même !

Avant la nuit, Zébédée alla à la rencontre de Jésus et le fit s’asseoir devant lui sur un vieux tabouret…

Zébédée – Allons tout de suite au but, Jésus.

Jésus – Allons au but, Zébédée.

Zébédée – Cela fait déjà pas mal de jours que je cherche à te parler. Allons-y doucement et clarifions les choses.

Jésus – Mais, que se passe-t-il ?

Zébédé – Jésus, je veux te parler comme un père, comme un ami. Je t’apprécie beaucoup et, à vrai dire, entre nous, je ne comprends pas pourquoi… pourquoi tu n’as pas eu de femme, pourquoi tu n’en as toujours pas, bon sang !

Jésus – Ah ! C’est ça !

Zébédée – Oui, c’est ça. Qu’est-ce que tu me réponds ?

Jésus – Eh bien, je ne sais pas… Je croyais que vous alliez me dire d’arrêter de me mêler de ce qui ne me regarde pas et nous voilà avec ce sujet. Je ne m’y attendais pas…

Zébédée – Ecoute-moi bien, mon garçon. La vie passe vite. Et les énergies d’un homme s’assèchent plus vite que tu ne le penses. Tu es toujours en train de parler de Dieu, de ce que Dieu veut. Très bien, mais si Dieu a mis dans l’homme une semence de vie, c’est pour la planter dans une femme et non pour qu’elle reste stérile, non ?

Jésus – Tout à fait, oui. Dieu aime voir les arbres pleins de fruits.

Zébédée – Alors, que diable attends-tu, tout seul ?

Jésus – Mais, je ne suis jamais seul, Zébédée. Depuis que j’ai commencé, dans ce groupe, à travailler à tout ce qui concerne le Royaume de Dieu, j’ai plein de gens autour de moi.

Zébédée – Non, non, tu ne vas pas te défiler comme ça, comme les poissons volants, gredin. Je veux dire “seul”. Seul, la nuit, seul, sans femme, sans enfants. Tu es toujours entouré de gens, oui, mais l’un n’empêche pas l’autre. N’essaie pas de m’embarbouiller. Ecoute, Jésus, quand l’homme n’a pas de femme, toute son énergie lui monte à la tête et turlututu ! Il devient fou ! Attention à ce qu’il ne t’arrive pas quelque chose comme ça !

Jésus – Vous croyez que j’ai une tête de cinglé ?

Zébédée – Non, je ne dis pas ça, mais…

Jésus – Ecoutez, Zébédée, je me souviens qu’un jour j’ai entendu ceci à la synagogue : le célibataire n’est pas un arbre sec car il y a aussi des célibataires dans la maison de Dieu.

Zébédée – Bah ! Tu nous sors toujours des choses… Ecoute, Jésus, on va laisser de côté les jolis mots et on va droit au but. Est-ce que… Les femmes ne te plaisent pas ? C’est ça ? Tu es homosexuel ? Non, ne me réponds pas ! Je n’arrive pas à croire que tu ne veux pas te marier parce que tu fais partie de cette bande d’affreux !

Jésus – Ne parlez pas comme ça, Zébédée. Ce ne sont pas une bande d’affreux.

Zébédé – Ah non ? Qu’est-ce que c’est alors ?

Jésus – Ce sont des hommes que Dieu aime. Ce ne sont pas non plus des arbres secs.

Zébédée – Ecoute, Jésus, ne les défends pas !

Jésus – Ne les attaquez pas non plus, Zébédée. Que savez-vous d’eux et de leurs problèmes ?

Zébédée – Bien, bien. Nous disions… Tu n’es pas un de ces types. Alors, pourquoi ne te maries-tu pas ? Tu ne vas pas me dire que tu n’as pas trouvé de femme qui te plaise.

Jésus – Bon, j’ai connu une fille… Cela fait bien des années… Mais, je n’y voyais pas clair.

Zébédée – Alors, vieux gars toute ta vie ! C’est ce que tu veux être, n’est-ce pas ?

Jésus – Attendez, Zébédée, être célibataire est une chose. Etre vieux gars en est une autre.

Zébédée – Bah, un célibataire est une demi-portion. Une célibataire aussi. La fille qui reste vierge est la honte de ses parents. (3)

Jésus – Une demi-portion est un égoïste. Et des égoïstes, il y en a autant chez les gens mariés que chez les célibataires.

Zébédée – Jésus, écoute-moi bien, il y a une fille du quartier qui est amoureuse de toi.

Jésus – Ah bon ? C’est là que vous vouliez en venir, hein, Zébédée ?

Zébédée – Si tu n’as pas d’yeux pour voir qu’une femme t’aime, il faut bien que je te le dise, le sang va peut-être te secouer un peu, sacré nom de nom !

Jésus – Et qui est-ce ?

Zébédée – Rachel, la fille de feu Agar, celle qui a tant de petits frères.

Jésus – Ah ! Je vois. Elle a l’air bien cette fille.

Zébédée – Elle est très bien ! Elle pourrait être pour toi une excellente femme !

Jésus – Oui, c’est bien possible, Zébédée, mais…

Zébédée – Mais, mais… Tu vas la voir, aujourd’hui, tu lui parles et vous pouvez mettre les choses au point.

Jésus – Attendez, Zébédée, ce n’est pas pressé.

Zébédée – Qu’est-ce que tu as ? Tu ne l’aimes pas ? Tu en aimes une autre ? C’est ça ? Très bien. Dis-moi en toute confiance, mon garçon. Ça restera entre toi et moi.

Jésus – Je les aime toutes, Zébédée.

Zébédée – Balivernes ! Quand on dit ça, qu’on les aime toutes, c’est qu’on n’en aime aucune !

Jésus – Non, vraiment, je les aime toutes. Et c’est pour cela que j’ai besoin d’avoir les mains libres afin de les aider.

Zébédée – Mais, qu’est-ce que tu te crois ? Le protecteur des femmes abandonnées ?

Jésus – Non, je ne dis pas ça, Zébédée. Ce qu’il y a, c’est que je veux travailler pour mon peuple. Et vous savez bien que les choses ne sont pas si faciles. Regardez le prophète Jean comment on lui a coupé la tête. Alors, comment avoir une femme et la garder dans cette angoisse ? Et les enfants qui restent sans leur père, hein ? Qui va leur trouver de quoi manger, hein ? Zébédée, j’ai besoin d’avoir les mains libres. Et plus encore ces temps-ci où Dieu est pressé et où il vaut mieux dormir les sandales aux pieds.

Zébédée – Tu exagères toujours, Jésus. Je ne dis pas de rester les bras croisés. Mais, est-ce qu’on ne peut pas lutter, tout en étant marié, sapristi ?

Jésus – Bon, si, c’est possible. Regardez Pierre, il a Rufina, quatre gosses et un qui est en route. Jacques pareil. Jean est célibataire, mais André a sa copine et un de ces jours, on va bien le marier. Dans le Royaume de Dieu, il y a de la place pour tout le monde. Tout le monde a la même valeur, les mariés, les veufs et les célibataires.

Zébédée – Mais toi… toi !

Jésus – Moi, quoi, Zébédée ?

Zébédée – Toi, tu n’as rien fait pour te marier, sapristi !

Jésus – Je n’ai rien fait non plus pour ne pas me marier, sapristi ! (4)

Zébédée – Et alors, quoi ?

Jésus – Alors, rien, Zébédée. Chacun suit sa route et considère ce que Dieu lui demande. Ecoutez, Dieu a appelé tout aussi bien Abraham du nord que Moïse du sud, par des chemins différents mais tous les deux sont arrivés à la Terre Promise.

Matthieu 19,10-12

Commentaires :

Jésus ne s’est pas marié. Aucun texte du Nouveau Testament ne le dit expressément, mais tout porte à le croire. Cependant, que Jésus ne se soit pas marié ne signifie pas que c’était un être asexué. Jésus a été un homme et a eu une dimension sexuelle masculine. En ce sens, ce n’est pas s’égarer que de penser qu’il y ait eu des femmes qui se sentaient attirées par lui, qui étaient amoureuses de lui, comme il a pu être amoureux d’elles. Rien ne transparaît dans les évangiles, entre autres raisons parce que dans la mentalité de ses contemporains c’était quelque chose d’évident et qu’on ne pensait pas que cela vaille la peine de l’écrire.

Sur l’homosexualité, Jésus n’a rien dit explicitement. Mais dans l’ensemble de son message, il a tellement proclamé la liberté de la personne qu’on en déduit un grand respect envers eux. Le prophète Isaïe consacre aux homosexuels une phrase suggestive (Isaïe 56, 3-5) et l’Ecriture affirme qu’ils sont aimés par Dieu comme héritiers de sa promesse (Sagesse 3, 14). Le peuple d’Israël attendait pour les temps du Messie que Dieu accueille les eunuques, les castrés comme des citoyens de son Royaume sur le même pied d’égalité que tous les autres.

En Israël, ni la virginité, ni le célibat, compris comme situations permanentes, ne représentaient une valeur quelconque. C’était plutôt considéré comme un malheur, quelque chose de négatif. La virginité de la femme était bien vue mais uniquement avant le mariage. La virginité de la jeune fille avant de se marier était défendue et c’était un honneur pour elle comme pour toute la famille d’arriver ainsi au mariage. Mais le fait qu’une femme ne parvînt pas à se marier et à avoir d’enfants était ressenti comme un opprobre, une tache de famille. Pour l’homme même chose. Avoir des enfants était un devoir religieux. Etre non-marié, quelles qu’en soient les raisons, était vu comme quelque chose de bizarre, incompréhensible, inquiétant, à moins que ce ne soit après un vœu spécial, comme le faisaient les moines esséniens du temps de Jésus. La relation sexuelle et la fécondité était une chose positive. Le reste n’entrait pas dans le cadre des valeurs de ce peuple, et par conséquent, était compris comme contraire à la volonté du Dieu de la vie. Dans toute la Bible on loue le mariage, l’union sexuelle de l’homme et de la femme comme quelque chose de positif, beau, comme l’expression ultime de la relation humaine, image la plus exacte de l’amour que Dieu ressent pour son peuple. Tout mépris ou rejet de la sexualité humaine n’a rien à voir avec le message biblique ni avec le message de Jésus.

Il n’y a que Matthieu qui a retenu la phrase de Jésus quand il parle de se faire eunuques “pour le Royaume”. Tout semble indiquer que Jésus ait essayé d’expliquer par cette phrase sa situation personnelle de ne pas être marié, à ceux qui le questionnaient. Jésus a fait allusion à trois types d’eunuques. Les premiers sont “ceux qui sont nés ainsi du ventre de leur mère”. Il y a toujours eu des enfants mâles qui, par défaut physique, généralement congénital, n’ont pas pu avoir de relations sexuelles avec une femme. On incluait dans ce groupe, chez les anciens, les homosexuels qui n’avaient pas d’attirance pour les femmes.

Le second groupe dont Jésus a parlé formait le groupe de “ceux qui sont devenus eunuques par le fait des hommes”. Il se référait aux enfants et aux hommes castrés. Dans les cours orientales, les rois castraient les gardiens des harems. Ils s’assuraient ainsi que leurs femmes n’auraient pas de relations avec eux. Dans d’autres pays, on castrait les enfants pour conserver une voix aigue de chanteur. Ou bien certains professionnels comme par exemple, les maîtres pour avoir une plus grande intelligence. On considérait la guerre, le plaisir et le pouvoir comme une qualité pour l’homme. La femme ou les “efféminés”, convertis en non-hommes, étaient voués aux travaux délicats, à une sorte de sagesse, aux arts. En Israël, la loi religieuse interdisait de castrer les hommes ou même le bétail. Le castré ne pouvait pas entrer dans le temple ni à la synagogue. Et les bêtes castrées ne pouvaient pas être offertes en sacrifice. Cependant, les castrés abondèrent dans les cours des rois d’Israël, par l’influence des autres pays orientaux ou parce qu’ils avaient été amenés là comme esclaves.

Finalement, Jésus parle d’une troisième sorte d’hommes : “Ceux qui sont devenus eunuques pour le Royaume de Dieu”. Ce type de célibat ou virginité – le célibat pour le Royaume – est la nouvelle catégorie apportée par Jésus et après lui, par le christianisme dans le panorama de la sexualité, telle qu’on l’avait comprise dans l’Ancien Testament. Il s’agit d’un célibat relationnel. Jésus ne l’a pas présenté comme une valeur en soi, mais en lien avec son action pour le Royaume de Dieu. Jésus a choisi cette option. Il ne s’est pas marié non pas parce qu’il était homosexuel, ni qu’il avait été castré, ni parce qu’il était impotent où qu’il craignait les femmes ou cherchait un refuge dans la vie solitaire, mais bien “pour le Royaume”.

Tout ce qu’a dit Jésus dans ce texte de Matthieu renvoyait explicitement aux hommes. La sexualité féminine, ses caractéristiques, sa problématique, sont une conquête très récente de la science et de la psychologie. Comme, en plus, dans la culture d’Israël, la femme ne décidait pas de se marier, mais était mariée par les parents qui prenaient la décision pour elle, Jésus ne pouvait pas poser le problème du célibat des femmes.