2 – MARIE MADELEINE ETAIT-ELLE UNE PROSTITUEE?

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Journaliste – Chers amis des programmes de Radio Amérique Latine, les technologies modernes peuvent tout faire. Ou presque tout. Grâce à elles, nous avons réussi à avoir dans nos studios deux figures proches et même très proches de Jésus-Christ. Il s’agit comme vous le savez, de l’apôtre Paul. Bienvenue, à nouveau, saint Paul…

Paul – A nouveau, tous mes remerciements et mes louanges vont au Christ Seigneur.

Journaliste – Et bienvenue aussi, Marie Madeleine, qui, cette fois, est arrivée à l’heure dans nos studios.

Marie – Todah, monsieur le journaliste, todah.

Journaliste – Pardon ?…

Marie – Todah, ça veut dire “merci” en araméen, la langue de mon peuple. Todah rabah.

Journaliste – Eh bien, commençons. Dans la dernière émission, je vous demandais si vous vous connaissiez, apôtre Paul et Marie Madeleine. Vous, Marie, vous nous expliquiez que oui, vous vous étiez vus dans des circonstances tragiques, lors du meurtre à coups de pierres du jeune Etienne, en dehors de Jérusalem.

Marie – Oui, j’étais là… et j’ai vu cet attroupement.

Journaliste – Et vous, Paul, connaissiez-vous Marie Madeleine ?

Paul – Comme je vous l’ai dit, après ce malheureux incident, je suis parti vers le nord, vers Damas. Chemin faisant, je me suis converti à la religion nouvelle.

Journaliste – Et après, vous avez peut-être rencontré Marie Madeleine ici ou là ?

Paul – Non, car je suis parti prêcher en Arabie.

Journaliste – Et vous, Marie, l’avez-vous revu une fois ou l’autre ?

Marie – Bien sûr. Quand don Pablo est venu à Jérusalem, quelques années plus tard. Je me souviens très bien de vous. Vous aviez la barbe clairsemée et peu de cheveux.

Journaliste – Et vous, Paul ?

Paul – Eh bien, pour tout vous dire, je ne me souviens pas du visage de cette femme.

Marie – Et comment pourriez-vous vous souvenir ? Vous n’étiez venu voir que Jacques, Pierre et Jean.

Paul – J’ai parlé avec eux, oui. Ils étaient connus comme les colonnes de l’Eglise.

Marie – Les colonnes ?… Et pourquoi ne pas avoir parlé avec Marthe et Marie de Béthanie ? Et Jeanne du Suza et Marie, la femme de Cléophas, qui était au pied de la croix ? Vous n’avez même pas daigné parler avec Marie.

Journaliste – Quelle Marie ? Il faut dire qu’il y a beaucoup de Marie dans cette histoire…

Marie – La mère de Jésus. Elle vivait chez moi.

Paul – Et pourquoi est-ce que j’aurais dû lui parler, dites-moi ?

Marie – Comment ça, pourquoi ? Ne parlait-elle pas de Jésus ? C’est elle qui l’avait mis au monde. Personne ne le connaissait mieux qu’elle.

Journaliste – Avant de poursuivre ce dialogue, quelques informations personnelles. Vous, Paul… vous êtes né à…

Paul – A Tarse. Mes parents étaient des migrants… Il y avait là-bas une communauté juive.

Journaliste – Cela se trouve dans l’actuelle Turquie, n’est-ce pas ?

Paul – Avant, cette province romaine s’appelait la Cilicie. C’est là que je suis né.

Journaliste – Parlons de votre famille.

Paul – Ma famille était juive, de la tribu de Benjamin.

Journaliste – C’était une famille aisée ?

Paul – Disons que oui. Mon père était citoyen romain et cela nous donnait quelques privilèges. Moi aussi, j’étais citoyen romain.

Marie – Romain, don Pablo…? Ça, je ne le savais pas…

Paul – Si, et cela m’a permis de voyager dans toutes les provinces de l’Empire, pour prêcher le Christ, Seigneur, sans avoir à demander de sauf-conduits.

Marie – Car, nous, en Galilée, les Romains ne nous laissaient même pas mettre les pieds hors des frontières…

Journaliste – Et dites-moi, Paul, votre famille était une famille pieuse ?

Paul – Oui, très pieuse. Une famille très liée aux traditions et aux observances religieuses. J’ai été circoncis au huitième jour, comme le demande la Loi. J’ai vécu, en tant que pharisien, dans la faction la plus rigoureuse de notre religion.

Marie – Humm… pharisien en plus…

Paul – Pharisien, fils de pharisiens. C’est gênant ?

Marie – Pas pour moi. Mais les gens de votre espèce ont été les pires ennemis de Jésus. Ils lui ont rendu la vie impossible.

Journaliste – Marie Madeleine, pourquoi dites-vous “espèce” ?

Marie – Parce que c’en était une. Jésus les appelait des hypocrites, une race de vipères, des guides d’aveugles qui filtrent le moustique et avalent le chameau, des sépulcres blanchis…

Paul – ça suffit, je n’accepte pas ces insultes.

Journaliste – Bon, passons à vous, Marie Madeleine. Madeleine vient de Magdala. Vous êtes née là ?

Marie – Oui, monsieur. Magdala est à une journée de marche de Nazareth, d’où était Jésus.

Journaliste – J’ai lu que Magdala était une ville assez agitée, avec pas mal de mouvements, la ville la plus peuplée de Galilée, en ce temps-là… Beaucoup de commerçants, de marins… C’est là que vous aviez installé, disons, votre commerce…

Marie – Oui, j’avais une boutique de vente de poisson séché.

Journaliste – De poisson séché… ?

Marie – Bon, je le vendais frais aussi, tout juste sorti du lac… Mais à Magdala, c’était surtout du poisson séché. On leur enlevait les boyaux et on les salait…

Journaliste – Mais… on croyait que vous étiez… que vous…

Paul – Dites-le sans minauder, monsieur le journaliste. Même si je ne la connaissais pas, j’ai su qu’elle n’avait pas bonne réputation… Vous aviez très mauvaise réputation, Marie Madeleine. Une réputation de prostituée.

Marie – Prostituée, moi ? Mais, d’où sortez-vous ça, don Pablo ?

Paul – Eh bien, dans la première communauté, on disait beaucoup de choses sur vous…

Marie – Et d’où venaient tous ces ragots, don Pablo ? Des hommes qui voulaient contrôler le mouvement de Jésus et qui ne supportaient pas que nous, les femmes, nous soyons là au premier rang.

Journaliste – Nous avons un appel… Allô, oui ?

Un homme – Comment cette femme n’ose-t-elle pas dire ce qu’elle a été vraiment ? L’Evangile nous parle de la pécheresse qui a beaucoup pleuré ses péchés de luxure et qui a oint les pieds de Jésus avec un parfum sorti d’un vase d’albâtre. C’est pour cela que depuis on dit : “Pleurer comme une Madeleine.”

Journaliste – Eh bien, cette femme est avec nous dans le studio central, mais, elle ne pleure pas, au contraire, elle est là, souriante. Un commentaire, Marie Madeleine ?

Marie – Je ris parce que cet homme sans visage qui parle s’est trompé de femme. Celle qui a pleuré et a versé du parfum était une femme de Capharnaüm. Elle s’appelait Timothée. Je l’ai bien connue.

Journaliste – Magali, notre productrice, nous confirme qu’en effet, dans le texte de l’Evangile de Luc, au chapitre 7, on ne dit pas le nom de la femme qui a versé du parfum sur les pieds de Jésus.

Marie – On ne le dit pas, mais cet homme me le colle à moi.

Journaliste – Magali dit que, dans un autre chapitre de cet évangile, Luc dit clairement que Jésus a chassé sept démons de vous.

Marie – Encore Luc ! Ce Luc était médecin. Mais, il ne savait pas que, chez nous, on appelait démons les maladies rares. J’ai été malade, oui. Et Jésus m’a guérie. Mais la maladie n’est pas un péché que je sache.

Paul – Tu as raison, ma chère, moi aussi, j’ai eu dans ma chair comme un aiguillon…

Journaliste – Nous allons y venir tout de suite. Si je vous comprends bien, Marie, vous affirmez que vous n’étiez pas, comme on dit aujourd’hui, une travailleuse sexuelle ?

Marie – Une travailleuse quoi ? La prostitution était un esclavage, un malheur. Les femmes qui s’y adonnaient étaient parmi les plus pauvres, les répudiées par leur mari. Les pharisiens tournaient la tête pour ne pas les voir.

Journaliste – Excusez-moi d’insister mais cela fait des siècles que la tradition et les auditeurs pensent peut-être autre chose. Alors, comme ça, vous n’étiez pas… ?

Marie – Non, je ne l’ai jamais été. Et même si je l’avais été… hein ?

Paul – Comment ça, même si… La prostitution est un péché très grave. Il conduit à la perdition.

Marie – Bien sûr, mais ce n’étaient pas les prostituées qui commettaient un péché mais les hypocrites qui allaient de jour à la synagogue et de nuit à la rue des jasmins.

Paul – Dieu se cache le visage devant les prostituées.

Marie – Votre Dieu peut-être, don Pablo, mais le mien c’est autre chose.

Paul – Et le vôtre ? Que dit-il ?

Journaliste – On pourrait y voir plus clair ?…

Marie – Les prostituées, comme elles sont les dernières, les plus humiliées, seront les premières dans le Royaume de Dieu.

Paul – Qui a dit ça ?

Marie – C’est Jésus qui l’a dit. Il a dit que les prostituées entreraient avant les prêtres, avant les pharisiens dans le Royaume de Dieu.

Paul – Je ne crois pas que le Christ, Seigneur, ait dit des choses semblables.

Marie – Eh bien, croyez-le. Mais comment pouviez-vous le savoir si vous ne l’avez jamais entendu parler, don Pablo, si vous ne l’avez pas connu ?

Journaliste – Magali, confirme-moi si cette phrase a été dite, s’il te plaît…

Magali – Oui, Jean-Louis. C’est dans l’Evangile de Matthieu, au chapitre 21, verset 31.

Journaliste – Nous avons un appel… Comme vous le savez, chers auditeurs, Radio Amérique Latine veut permettre ce débat avec la participation des auditeurs. Votre nom et d’où nous appelez-vous ?

Castillo – Bonjour. Je suis José María Castillo, théologien. Et j’appelle de Grenade en Espagne.

Journaliste – Bienvenue dans notre émission, José María. Nous vous écoutons avec beaucoup d’intérêt parce que je crois que vous êtes un expert de saint Paul.

Paul – Un expert sur moi ?

Castillo – Sur vous et votre théologie. Le problème a commencé avec vous, Paul. C’est un problème grave, très grave.

Paul – Quel est le problème qui a commencé avec moi, dites-moi ?

Castillo – Ce que Marie Madeleine disait avant. Vous, vous avez parlé, prêché, écrit sur Jésus de Nazareth… sans tenir compte de l’histoire et de l’exemple de la vie de Jésus. Il faut le dire sans crainte : les piliers de la théologie chrétienne, c’est vous qui les avez édifiés, sans tenir compte de l’humanité de Jésus.

Paul – Sur le chemin de Damas, j’ai eu une révélation. J’ai vu le Christ, Seigneur.

Castillo – Mais vous ne connaissiez rien de Jésus, du vrai Jésus, celui qui est né à Nazareth et a été assassiné à Jérusalem. Dans vos écrits, on ne voit jamais les villages de Galilée, ni le lac, ni le Temple, ni les prêtres… Il n’y a pas de pharisiens adversaires, ni d’Hérode, ni de Pilate. Dans vos lettres, Jésus manque de “biographie”.

Paul – Je l’ai dit et je l’ai répété. Connaître Jésus selon la chair ne m’a jamais intéressé. Seul le Christ selon l’esprit.

Journaliste – C’est peut-être là qu’est le problème majeur, apôtre Paul. Vous vous êtes inventé un personnage qui n’a jamais existé.

Castillo – Et le plus préoccupant, c’est que l’Eglise jusqu’à aujourd’hui vous a été plus fidèle à vous, Paul, qu’à Jésus.

Paul – Vous n’êtes pas théologien pas plus que vous n’êtes journaliste ! Vous êtes des imposteurs, des adversaires du Christ, des émissaires de Satan, comme ceux que j’ai connus à Corinthe. Je vais quitter ce lieu. Je me lève et je m’en vais.

Journaliste – Non, non, apôtre Paul, comment pouvez-vous partir ainsi ? Si vous partez maintenant, les auditeurs vont penser que le théologien José María Castilla a raison. En tout cas, le temps se termine. Nous espérons continuer avec vous dans les prochaines émissions. Et pour conclure le thème qui a suscité tant de polémique… Vous, Marie Madeleine… alors comme ça, vous n’êtes ni une prostituée, ni possédée de sept démons ?

Marie – Non, monsieur le journaliste. Vendeuse de poisson au marché de Magdala. C’est ce que j’étais avant de connaître Jésus.

Journaliste – Radio Amérique Latine arrive à la fin de son programme. Nous vous rappelons que nous sommes sur les réseaux sociaux. Et sur le web, vous pouvez nous écouter : www.emisoraslatinas.net. Et souvenez-vous que qui se pose des questions réfléchit ; qui n’a que des réponses, obéit. C’était Jean-Louis qui était avec vous.