10 – DIEU REJETTE-T-IL LES VICIEUX ?
Journaliste – Chers auditeurs de Radio Amérique Latine, nous recevons quelques messages très agressifs disant que nos émissions troublent les croyants, que nous faisons la promotion de certaines idéologies, qu’il s’agit d’une campagne financée par je ne sais qui pour discréditer saint Paul et les églises chrétiennes… Eh bien, pas du tout. Ce que nous recherchons dans ces débats, c’est d’apporter une information et des arguments afin d’avoir une conscience mûre. Il est plus facile de croire que de penser, comme disait Albert Einstein. Voilà ce que nous recherchons, apprendre à penser par nous-mêmes. Bienvenue à nouveau à Marie Madeleine, la femme la plus mentionnée dans les évangiles.
Marie – Merci, Jean-Louis, le meilleur des journalistes… Bon, c’est le seul que je connaisse.
Journaliste – Et face à vous, l’apôtre Paul. Vous avez été un homme cultivé, Paul. Vous parliez plusieurs langues et vous avez consacré des années à l’écriture.
Paul – Tout jeune, mes parents m’ont envoyé à Jérusalem pour étudier les Saintes Ecritures.
Journaliste – Je suppose qu’on vous a envoyé dans la meilleure école d’alors.
Paul – Tout à fait. J’ai étudié aux pieds du fameux Gamaliel, pharisien célèbre, docteur de la Loi et membre du Sanhédrin.
Marie – Il vous reste peut-être un peu de la poussière de ces pieds-là, don Pablo…
Paul – Que dites-vous ?
Marie – C’est le Sanhédrin qui a condamné Jésus à mort.
Paul – Quand c’est arrivé, je ne connaissais pas encore Jésus, Seigneur, béni soit son Nom.
Journaliste – Mais, racontez-nous, Paul, qu’avez-vous appris à l’école de Gamaliel ?
Paul – J’ai appris les écritures par cœur. J’ai appris les commandements que tout bon Juif doit suivre. Les vices que tout bon Juif doit éviter. La droiture d’âme.
Journaliste – Dans plusieurs de vos lettres, on a la liste de tous ces vices… Je vais demander à Magali de nous en lire quelques-uns…
Magali – Avec plaisir, Jean-Louis. Dans la lettre aux Corinthiens, Paul dénonce l’envie, la division, les murmures, l’orgueil, les immondices, la fornication et l’oisiveté. Aux Romains, il dénonce toute sorte de perversité et dépravation, homicides, critiques, calomnies, rébellion contre les parents, la gloutonnerie, l’ivrognerie et la luxure. Aux Ephésiens, il leur parle de fâcherie, de colère, de criailleries et médisance. Aux Colossiens, de fornication, d’impureté, de passions désordonnées, de mauvais désirs et de paroles malhonnêtes.
Marie – Moïse nous a donné dix commandements et, vous, don Pablo, vous les avez multipliés.
Paul – Ce sont les lois de Dieu qui règlent une vie sainte. Grâce et paix !
Journaliste – Qu’en pensez-vous, Marie Madeleine ?
Marie – Des péchés, en veux-tu en voilà ! Je ne sais pas d’où don Pablo sort toute cette liste de vices. Il y en a plus que tous les poissons qu’on peut prendre aux filets dans le lac de Galilée.
Paul – Ne vous y trompez pas. C’est à cause de ces désordres de la chair que la colère de Dieu se déverse sur les enfants de la désobéissance.
Marie – Eh bien, parlons-en de nos désordres… Salomé, la mère de Jacques et Jean, une intrigante et une commère. Elle voulait que ses fils aient les premiers postes… Je n’ai jamais connu de gloutons comme Nathanaël… Quant à Matthieu, il était toujours ivre…
Journaliste – Vous nous parlez là du groupe de Jésus-Christ ?
Marie – Tout à fait. Des paroles malhonnêtes, allez, tous ces pêcheurs de Capharnaüm vous sortaient de ces gros mots… comme lorsqu’on se cogne contre la pierre d’angle… Des cris, Pierre le premier… Il y en avait qui pinçaient les fesses des sœurs… Enfin, la vie quoi… Jésus n’y prêtait pas beaucoup attention…
Journaliste – Elena Martinez, notre reporter, nous a préparé une note sur cette morale chrétienne à laquelle se réfère l’apôtre Paul…
Elena – Merci, Jean-Louis. Je vais parcourir quelques églises et lieux de culte qui disent suivre le Christ et connaître ainsi leurs coutumes et leurs critères moraux… Bonjour, nous faisons une enquête en Cochabamba, Bolivie. Nous voulons savoir si les membres de votre communauté boivent du vin, de l’alcool… ou bien est-ce interdit ?
Un pasteur – Tout à fait interdit. Pas une goutte, ma petite dame. Comme Jésus-Christ nous l’a dit, les ivrognes n’entreront pas dans le Royaume des Cieux.
Elena – Pas de bière non plus… ?
Le pasteur – Rien, rien, pas d’alcool du tout. Vous avez vu comment a fini Noé sous sa treille !
Elena – Bonjour, c’est une enquête pour Radio Amérique Latine. Les membres de votre église peuvent aller danser en discothèque ?
Une femme – Qu’est-ce que vous racontez ? Le seigneur Jésus rejetait toutes ces abominations.
Elena – Et la manière de s’habiller ?
Une femme – Avec modestie. Pas de décolleté ou de jupes courtes. Le corps est une tentation. Il ne faut pas le montrer.
Elena – Nous sommes entrés dans un couvent. Ma sœur, c’est une maison avec clôture, n’est-ce pas ?
Une sœur – Oui.
Elena – Vous ne sortez pas dans la rue et vous faites vœu de silence. Vous avez renoncé à parler. Pourquoi ?
La sœur – Nous complétons ainsi ce qui manque à la passion du Christ…
Elena – N’est-ce pas un grand sacrifice ?
La sœur – Si. Nous imitons Jésus-Christ. Nous souffrons par lui et avec lui… Comme nous l’a appris saint Paul, nous portons toujours dans notre corps les marques du Seigneur Jésus.
Elena – Pour Radio Amérique Latine, c’était Elena Martinez.
Journaliste – Merci Elena.
Marie – En entendant tous ces frères, j’ai l’impression de vous entendre, vous, don Pablo.
Paul – Eh bien, tant mieux. Ils ont suivi mes conseils, ils arriveront ainsi à une vie sainte et irréprochable aux yeux de Dieu.
Marie – Vous l’avez bien dit, ce sont vos conseils, pas ceux de Jésus.
Paul – Que voulez-vous dire ?
Marie – Je veux tout simplement dire que Jésus buvait du vin, dansait aux fêtes et adorait parler… Vous vous rendez compte, ces pauvres femmes qui ne parlent même plus…
Journaliste – Vous ne buviez pas de vin, apôtre Paul ?
Paul – Avec modération. Je l’ai même recommandé à Timothée pour le guérir de ses maladies.
Journaliste – Magali me rappelle un passage de votre lettre aux Corinthiens qui dit : “Je vous écris pour vous demander de ne pas vous joindre aux fornicateurs, aux ivrognes, aux voleurs. Ne prenez même pas place à la table de ces vicieux.
Marie – Ah ! don Pablo, eh bien, Jésus a fait tout le contraire ! Je me souviens encore quand nous sommes allés manger chez Matthieu, le publicain. Le rabbin était dans une colère… L’écume lui sortait de la bouche…
Le rabbin – Comment oses-tu partager ton pain avec les pécheurs ? Tout Capharnaüm murmure après toi, étranger.
Jésus – Ah bon ? Eh bien, gaspillez votre salive si ça vous chante.
Le rabbin – Tu ne peux pas t’asseoir à la table d’un homme impur.
Jésus – Et qui me l’interdit ?
Le rabbin – La sainte Loi de Moïse et les saintes coutumes de notre peuple. Ne sais-tu pas que s’asseoir à la table d’un homme impur te rend impur, toi aussi ?
Jésus – Ecoute, rabbin, toi, es-tu pur ?
Le rabbin – Pardon ?
Jésus – Je te demande si, toi, tu es pur. Tu as montré Matthieu du doigt. Attention, Dieu pourrait bien te montrer du doigt, toi aussi.
Marie – Jésus mangeait avec tout le monde, avec les prostituées comme avec n’importe qui… Un jour, à Jéricho, il a trouvé Zachée, un petit homme, pas mal voleur… eh bien, il a accepté d’entrer manger chez lui… C’est pour cela que les docteurs et les pharisiens voyaient cela d’un mauvais œil… Figurez-vous qu’ils disaient que Jésus était un goinfre et un ivrogne.
Journaliste – On disait ça de Jésus, comme ça ?
Marie – Oui, mais il s’en fichait. ça le faisait rire. Jésus riait beaucoup. Jamais, au grand jamais il nous a demandé de jeûner ni de faire pénitence ni de faire de longues prières…
Journaliste – Dans vos listes de vicieux, apôtre Paul, je vois que vous vous attachez surtout aux péchés sexuels… Dites-nous, Marie Madeleine, vous qui l’avez connu de près, Jésus s’en souciait beaucoup ?
Marie – Une fois, des villageois et des pharisiens ont attrapé une femme qui était avec un autre homme, ils voulaient la lapider… Vous étiez là, don Pablo ?
Paul – Non, je ne sais pas à quoi tu fais allusion…
Marie – Certains de vos amis pharisiens étaient là sur la place, près des tas de pierres… Jésus leur a dit : Celui qui se sent libre de tout péché, qu’il lui lance la première pierre. Il ne condamnait personne pour ces affaires-là.
Journaliste – Nous avons un appel… Allô ?
Castillo – C’est moi, José María Castillo, fidèle auditeur de votre émission…
Journaliste – Bienvenue à vous, cher ami théologien…
Paul – Il ne manquait plus que lui !
Castillo – Je me demandais en écoutant la liste de péchés que saint Paul met dans ses lettres, s’il les tenait de son maître Gamaliel… Parce que c’est le parfait moralisme des pharisiens.
Journaliste – Qu’en dites-vous, apôtre Paul ?
Paul – Je n’ai rien à dire à ceux dont je ne vois pas le visage.
Journaliste – Ce sont les avancées techniques, apôtre Paul. Le téléphone marche comme ça… enfin, je vous expliquerai après… Continuez, Castillo.
Castillo – Paul était un moraliste. Jésus non. Pour Jésus, le Royaume de Dieu était avant tout de soulager la souffrance humaine, d’apporter le bonheur dès cette vie. Pour Paul, il fallait dominer ses vices pour atteindre l’autre vie. L’éthique de Jésus et l’éthique de Paul sont totalement opposées.
Journaliste – Marie Madeleine, vous qui étiez toujours à ses côtés… Qu’est-ce qui préoccupait Jésus ?
Marie – Ce qu’il a annoncé en Galilée, que les pauvres ne soient plus pauvres, que les malades guérissent, que les affamés aient de quoi manger…
Journaliste – Et qu’est-ce qui préoccupait Paul, dites-le-nous, Castillo.
Castillo – Ce qui préoccupait Paul, d’après ses lettres, c’étaient les vices et les péchés. Le Dieu de Paul haïssait le péché, le Dieu de Jésus aime le pécheur.
Journaliste – Les personnes que nous avons entendues dans le reportage se sacrifiaient pour imiter Jésus…
Marie – Quelle erreur ! Que de vies gâchées… Moi, je peux vous dire qu’ils ne suivent pas Jésus, ils suivent Paul.
Castillo – Le Dieu que Paul nous présente est un Dieu qui exige souffrance et sacrifices pour donner son pardon. Le Dieu que Jésus présente est un Dieu qui envoie son soleil et sa pluie sur les bons et les méchants, le père qui accueille son fils perdu, le Dieu de la joie lors d’un banquet où entrent même les vagabonds de tous les chemins de la vie.
Paul – Que d’âneries vous dites… Vous n’êtes qu’un… suppôt de Satan !
Castillo – Je ne peux pas être suppôt de quelqu’un qui n’existe pas.
Marie – Je pense que les démons ce sont les pharisiens qui lient de lourdes charges sur le dos des gens, mais ne les soulèvent pas, pas même du bout des doigts.
Paul – Tiens, il y a un péché que j’ai oublié dans mes listes : l’impertinence !
Journaliste – Allons, allons, du calme, nous avons encore beaucoup à dire. Nous sommes arrivés à la fin de notre émission. Vous pouvez nous trouver sur le web et sur les réseaux sociaux : www.emisoraslatinas.net. A la prochaine et souvenez-vous que qui se pose des questions réfléchit ; qui n’a que des réponses, obéit. C’était Jean-Louis qui était avec vous.